This is it, Michael
[Attention, cet article a été écrit lorsque j’étais encore au Canada, il y a donc un peu plus d’un mois de cela.]
Je suis tombée ce matin sur cet excellent article du blog ValizStoriz, parlant du difficile retour en France après avoir passé plusieurs mois ou années à l’étranger. Ses mots sont justes. Ils font du mal et du bien en même temps. On se croirait dans une chanson d’Indochine, non ? Et pourtant, je ne suis même pas encore rentrée. C’est ridicule. Ridicule. Les deux dernières semaines précédents le roadtrip final auront été les pires. Cette impression de désintégration approchant chaque jour un peu plus m’ont paralysée, consumée, grignotée jusqu’à la moelle, m’empêchant de profiter pleinement des derniers jours. Ridicule, vous dis-je. Le cerveau est une machine incroyablement complexe, farouche et étonnamment puissante. Heureux les simples d’esprit, qu’ils disaient. J’approuve, je plussoie, je mets un pouce bleu. Ne pas savoir, ne pas voir, ne pas sentir. Et en même temps… savoir, voir, sentir. Vivre, vivre un peu plus fort. Ça y est, on est vraiment dans une chanson d’Indochine maintenant. Mais seulement 3 nuits par semaine, donc tout va bien. #OhKeskeCédraul
Je n’aime pas le terme de « bilan ». Premièrement parce que ça fait pompeux (et les pompes, c’est pas mon truc), et deuxièmement parce qu’un bilan désigne une fin. Et qu’en bonne roadrunner (Bip Bip !), je fuis. Always. Je n’ai qu’une conclusion à faire de ces 6 mois passés au Québec : je suis devenue bilingue. Non, ce n’est pas ce que tu crois. Il n’est pas question de ma langue ici (encore que, cela pourrait sûrement vous intéresser) (wouh, elle a osé) (catin) (tg). En revanche il est bel et bien question de langue en général. Allez, courage, il y aura peut-être quelque chose de croustillant dans cet article, finalement. On va commencer par parler de mes doigts en plus, alors tu vois, tout n’est pas perdu.
1) Mes doigts sont mieux que Reverso
Après 6 mois passés hors de France, j’ai pu compléter mon côté bilingue (#MetsTesTongues) par une polyvalence de type clavier. Hé oui, tu sais bien que la France se caractérise par un superbe clavier indépendantiste en AZERTY, tandis que plus ou moins le reste du monde vit en QWERTY (sauf les Suisses, mais bon, on n’en parlera pas). Après une bonne dizaine de jours d’adaptation, mes doigts sont maintenant des virtuoses internationaux, et ils peuvent même évoquer l’hippocampéléphantocamélos de Cyrano de Bergerac d’une traîte, sans regarder ni copier/coller. Et croyez-moi, je m’y connais en copier/coller. Je suis aussi devenue bilingue Mac : au pays du capitalisme, il faut parfois apprendre à remplacer le contrôle par le commandement. Comprendra qui pourra. #WittyNerd

2) Oreilles élastiques et tympans en mousse
On ne va pas se le cacher, mais le temps d’adaptation de l’oreille au monde qui l’entoure est flippant. Vous ne mettrez pas nécessairement longtemps à vous habituer à un accent. Néanmoins, les quelques jours ou semaines de la dite « adaptation » seront intenses, et le ratio Feel-Shitty-As-Fuck / Keskidi est parfois très, très haut. Mais une fois passé le cap, c’est bon. Vous pourrez traduire cet ostie de criss de québécois les yeux fermés et ce modafuka d’américano-canadien les mains dans les poches. Ce qui tombe bien, puisque, a priori, vous n’avez besoin ni de vos yeux ni de vos mains pour écouter. Nous voilà sauvés. Au bout d’un certain temps, vous pourrez lister les succès suivants, marquant votre réussite indéniable dans la quête du bilinguisme :
– Communiquer en anglais dans une boîte de nuit, en devinant plus qu’en entendant
– Comprendre un enfant dans son language d’enfant (ceci vaut même pour votre langue maternelle, dans la mesure où communiquer avec un mini-humain est déjà un exploit en soi)
– Comprendre en anglais ce que quelqu’un dit la bouche pleine. Ou endormi. Ou sous l’emprise de substances rigolotes, comme les cookies Crisp Ahoy!
– Comprendre un Québécois très en colère
– Comprendre 100% de ce que dit un Québécois tout cours, pendant les 10 premiers jours de ton séjour
– Apprendre l’ebonic avec votre crayzay ex-coloc

3) Morphée parle la langue de Shakespeare, maggle
Au bout d’un moment, tu vivras l’étrange expérience de rêver dans une autre langue que ta langue maternelle. C’est un cap. Tout va te sembler normal, jusqu’au moment ou un mot ou une expression va te faire prendre conscience que oui, lil’ fucker, you’re dreaming in English. Holy Molly. Bon, redescends tout de suite de tes grands Ponitas : rêver en anglais n’implique pas que tu rêves en BON anglais. Et Brian est toujours in the kitchen, je te rassure. La descente aux enfers commence lorsque tu rêves dans un contexte québécois. Swell.
4) Des dégats irréversibles pour l’Académie Française
Estimée (et steamé?) Académie,
À matin, j’ai réfléchi très fort et j’ai fini sur l’idée que, ostie d’crisse, c’pô l’fun quand ton français est tout magané. Fait que j’capote en rencontre, pendant les breaks et que j’ai de la misère à savoir si j’vais déjeûner, luncher ou souper. Quand je jase, les gens me niaisent, et même si c’est pô si pire, ça me tanne. Pis tsé, pour vrai, moi j’suis pas ben réveillée à c’t’heure, donc j’m’en câlisse un peu. Tout ça pour dire que c’t’une langue cute, pô b’soin de chialer sur les traditions. Pis tu sais-tu que Corneille et Grand Corps Malade sont d’icitte ? C’pas un joke ! Même si c’t’un peu quétaine, y’a pas que Céline au Québec là ! Allez, fini de bitcher, j’m’en vas !

