Ou l’épisode du photomaton
Quand tu pars à l’étranger, tu sais qu’il va falloir t’habituer à une autre culture, d’autres façons de faire et de penser.
- Accepter de consommer des produits différents, comme du lait en sac:
- Parler différemment, en disant Bonjour à la fin d’une conversation, par exemple.
- T’adapter à d’autres codes sociaux, comme respecter l’ordre d’arrivée pour monter dans le bus.
Bref, tu SAIS, tépakon. Néanmoins, en bon Occidental que tu es, tu penses aussi connaître des valeurs sûres. Pauvre toi: tu ne sais rien, Jean Neige (le retour du come back). Alors laisse-moi te préparer psychologiquement à ce que tu crois-savoir-mais-qu’en-fait-non-c’est-dommage-fromage.
En t’installant ici, tu devras concquérir la moitié du pays pour te procurer un épilateur, parce que non, ici, c’est pas répandu. Tu trouveras donc des dizaines et des dizaines de putains de rasoirs d’hommes (pour coller au cliché du mâle velu, sans doute), mais point d’épilateur féminin dans les magasins de type Darty national. Et, sache-le, car j’ai déjà essayé pour toi, que la plupart des vendeurs de ces magasins spécialisés ne savent d’ailleurs pas ce que c’est. Et qu’on ne dit pas « epilator » en anglais. Je te laisse deviner ma solitude. Bref, tourne-toi plutôt vers internet, qui va devenir ton ami de toujours. Ah, au fait, si tu croyais pouvoir ramener ton épilateur français, oublie. Je te rappelle que le voltage n’est pas le même ici (110V ici, 220V en France), et qu’il tournera donc au ralenti, faisant tout au plus un brushing stylisé à tes jambes velues de bucheronne moderne. Messieurs, idem pour vos rasoirs électriques (Et de toute façon, discrimination pileuse oblige, vous en trouverz à tous les coincs de rue ici. Merde).
En t’installant ici, tu devras sûrement fournir des photos d’identité. Pardon? Ça tombe bien, tu en as amené avec toi? Qu’elle est mignonne. Range-les, elles ne sont pas au bon format. Pour des photos d’identité servant à des documents officiels (tels que ceux de l’assurance maladie), tu devras aller dans un endroit très spécifique. Le photomaton. Non, je rigole, c’aurait été trop évident! Tu vas plutôt aller à la pharmacie et jeter des regards interrogateurs sur la petit toile blanche qui se situe à côté de la caisse, subtilement accompagnée d’un tabouret (que l’on ne voit pas au premier coup d’oeil puisqu’il est dissimulé entre le rayon littérature de bas-étage et le comptoir des chocolats-friandises (je vous rappelle que nous sommes dans une pharmacie, ces deux-éléments tombent donc sous le sens). Oui, tu ne rêves donc pas. Tu t’approches doucement de la caissière, te faisant déjà une raison sur le nombre de clients qui vont assister à ta séance photo exclusive. Bref. Tu vas donc poser ton cul sur le tabouret, incroyablement à l’aise face aux clients qui, soudainement, sont très intéressés par ces petit chocolats qui trônent devant toi. L’employé, que la réussite professionnelle au sein de la pharmacie a hissé jusqu’au très prestigieux poste de « responsable du stand photo pour la connasse du jour« , arrive armé d’un appareil photo bridge. Point de trépied (c’est pour les amateurs en studio ça!), point d’indication. Une photo prise à l’arrache et qui va, en fonction de l’opinion du photographe en herbe, convenir ou non à l’administration canadienne. Pardon, madame, mais il y a un reflet sur votre front, ça va poser problème. C’est bien embêtant, monsieur. Pourriez-vous officialiser la chose un peu plus publiquement, afin d’achever le peu de dignité qu’il me reste? Ah, l’honnêteté québecoise, quel plaisir. Suite à cela, votre magnifique photo-que-vous-n’auriez-pas-du-tout-pu-faire-vous-même sera estampée à la date du jour, rendue ainsi officielle par l’encre royale du Jean Coutu. Vous repartez avec 12$ en moins et 2 photos de qualité Jean-Louis-s’amuse-chez-Kodak en poche.
Et les photomatons des grands centres commerciaux ou des métros? Ah, seulement pour les photos « fun ». Dommage.
En t’installant ici, tu penseras que la chose la plus simple est sûrement de prendre un forfait téléphonique de base, comparé à la complexité du visa ou de l’installation d’internet. Penses-tu. Visa : 2h cumulées pour la paperasse. Installation d’internet : 30min au téléphone et 30min en magasin. Forfait mobile : 3 jours. Parce que ce à quoi tu ne t’attends pas, c’est à devoir justifier de tes comptes bancaires pour un putaing de forfait de base. Alors que pour internet (qui est cher, installé de façon fixe et avec engagement dans le temps) tu dois juste fournir une carte de paiement, pour le forfait mobile, tu dois justifier d’une carte de crédit canadienne, au même nom que deux documents d’identité, ce qui sera suivi d’une enquête de crédit sur ton compte bancaire, ou, à défaut, cela te prendra ton document original d’assurance sociale (confidentiel) pour, probablement, mener une enquête auprès du FBI sur ta capacité à payer 35$ par mois (sans engagement et sans ligne fixe). WHAT IS WRONG WITH YOU CANADA?
Mais sinon, cérigolo ici.

