Compagnons de routine

Et y’a pas de sous-titre, na ! Oh wait…

Près de Mont-Royal, Plateau

Près du métro Pie IX, vers le jardin botanique Jardin botanique

O-taku Manga Lounge, Saint-Denis Mochi glacés

Aujourd’hui, je vais te parler de toi. Oui, de toi, là, jeune trouduku que j’affectionne, caché derrière ton écran. Dans ton traintrain métro-boulot-dodo, il y a des gens. Merci Captain Obvious. Il y a des gens que tu connais, mais aussi des gens que tu ne connais pas. Et pourtant, ils font bel et bien partie de tes repères quotidiens. Mais si, tu vois très bien de qui je parle.

  • Je parle de ces trois femmes d’environ 50 ans, qui sont systématiquement dans le dernier wagon du Montréal-Saint-Jérôme, dans la salle basse, à papoter. Elles sont probablement collègues, mères de famille et gagnent bien leur vie, puisqu’elles s’habillent toujours avec classe. Trois amies, trois collègues. C’est rare, quand on y réfléchit. La distance est un challenge que peu ont la volonté de relever.
  • Je parle de cet homme noir, dans la cinquantaine aussi, qui arrive tous les matins sur le quai avec une cigarette aux lèvres. Une cigarette qui était déjà là par -20 degrés, et qui sera probablement là par +30. Sa démarche est calme, bourrue, imperturbable. A quoi pense-t-il, tous les matins ?
  • Je parle de cette jeune femme, en tenue de cycliste, que je croise tous les matins avec son vélo. Elle à la démarche incroyablement déterminée, le casque bien vissé sur la tête. Pourtant, à 7h15 du matin, c’est un droit universel que d’avoir la tête dans le cul et l’oreiller vissé où tu peux.
  • Je parle de ces deux jeunes frères, d’environ 8 et 12 ans, qui prennent tous les après-midi le Saint-Jérôme-Montréal, le sourire aux lèvres et les baskets en compote. Ça commence à faire loin, cette époque. Mes baskets me manquent. 
  • Je parle de cet homme d’âge mûr, que je ne conçois pas autrement que comme un professeur de français ou de philosophie à cause de son inlassable veston des années 90, et qui traverse tous les matins les rails de la gare de Rosemère, la barbe fière et la démarche dynamique. Oui, ta barbe peut être fière si tu la coach un peu.
  • Je parle de ce couple de petits vieux, qui fait le tour du quartier tous les après-midi pendant que je repars à la gare. Main dans la main, ils avancent lentement mais à allure régulière, profitant du soleil qui vient réchauffer les mines fatiguées. Elle est toujours très concentrée sur ses pas. Ne pas tomber. Ne pas lâcher sa main. Encore un pas. Oui, c’est ça. Lui est plus alerte, et ne manque jamais de me sourire lorsque je m’écarte sur la route. C’est précieux de vieillir à deux.
  • Je parle de ce jeune homme qui est tous les après-midis en bas de l’escalator du métro. Son accent me fait penser aux îles. Il tente jour après jour d’attirer les passants avec une blague, un compliment, un bruit inattendu. Pour leur vendre quoi ? Aucune idée. Un catalogue, je crois. Peu importe. C’est lui l’ambianceur des escalators, même s’il se soucie davantage de ceux qui montent que de ceux qui descendent. C’est un peu comme dans la vie professionnelle en fait.
  • Je parle de ce vieil indien à la retraite, qui profite de son potager comme d’un joyau. Faute d’un vrai épouvantail, il a pris la peluche d’un gros singe et l’a mise sur un piquet. Pour la protéger de la pluie, il l’a recouverte d’une bâche en plastique transparent. Il faut vraiment aimer son jardin pour sacrifier une peluche.

Mais un jour, l’un d’entre eux manque à l’appel. Et tu ne rends compte que même si tu en les connais absolument pas, ils font partie de tes repères, de ta vie, finalement. Si tu réfléchis, tu réaliseras sûrement que tu as toi aussi des dizaines de compagnons de routine. C’est un peu comme quand tu fais un long trajet en voiture, sur plusieurs heures et sur des routes droites. Tu te cases derrière une voiture qui va au même rythme, et tu avances. Tu partages des kilomètres de voyage, les yeux rivés majoritairement sur le cul de cette voiture, que tu n’as plus envie de quitter. C’est une valeur sûre, tu le sais, ça fait déjà 230km que tu roules avec elle. Et puis, comme toute relation automobile trop intense, elle part, et tu dois retrouver un autre compagnon de route pour les 230km suivants. Tu ne te rappelleras ni de la marque ni de la couleur de cette voiture le lendemain, mais pendant 230km, elle a été ton repère.

Hé ben avec les gens c’est pareil, Jean-Louis. Sans eux, la vie est un peu plus fade, un peu plus vide. La prochaine fois que tu identifieras un de tes compagnons de voyage, offre lui un sourire. Juste comme ça, parce que tu n’as rien à perdre. A Montréal, on offre souvent des sourires. Et je crois qu’on y gagne.

PS: Oui je sais, j’ai du retard sur de gros articles et des vidéos. Mais je prends mon temps et j’ai une graine de vie sociale que j’aimerais voir fleurir. Sois patient et va cueillir des mirabelles.

PS 2: Oui, les photos sont random. J’ai juste pioché dans celles que je n’avais pas utilisées.

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