… de l’âme
Oui, je sais, tu t’attendais à un article sur les coulisses de la quarantaine du Coronavortex, avec des exclusivités et de la dénonciation! des enfants dans des caves! des têtes de politiciens qui tombent! les preuves que le virus a été créé par le Luxembourg pour conquérir (enfin) le monde! le lien entre COVID-19 et le nombre 42 enfin révélé au grand jour! une solution au débat subversif « le mot pangolin doit-il se prononcer avec un accent marseillais ou chinois? » Bref. Du sang et des larmes. Mais non, c’était juste un titre putaclic pour que tu arrives jusqu’ici et que du plus profond de ton ennui confiné, tu arrives à la conclusion suivante: tu n’as que ça à foutre de lire la suite, anyway.
Cela dit, jeune désœuvré du slip, je ne t’ai pas totalement menti. On a dit « confinement de l’âme », et c’est bien de cela dont je vais te parler. Ravale ton bâillement et dégaine ton neurone, ça va bien se passer, car je vais pimenter le tout avec… du sang et des larmes, comme promis! (oh l’ascenseur émotionnel, un coup non, un coup oui, qu’elle se décide BORDAYL)
Tu sais que j’aime manier les mots comme des petits shurikens de poche. Et aujourd’hui, laisse-moi te dire qu’on va raser les barbes de près. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Et pour la première fois de ma vie, je vais me faire un cadeau. Un vrai. Un dont j’avais vraiment besoin depuis longtemps et sur lequel je n’avais pas mis le doigt jusqu’à cette année. Je vais m’offrir la vérité. Et je t’invite dans ce cadeau.
Ma maman a probablement été confinée dans son âme toute sa vie. Sans en sortir. Sans laisser sortir ce qui le devait. Et elle s’est empatouillée dedans, suivant scrupuleusement la divine recette du plat gourmet que l’on appelle dépression sans jamais correctement le nommer. Et, spoiler alert, c’est le bifteck qui a mangé le cuisinier.
C’est dur d’admettre la dépression et d’agir lorsqu’elle touche sévèrement quelqu’un que l’on connaît, que l’on côtoie, que l’on aime, parce que c’est une maladie stigmatisée et stigmatisante. Tantôt on redoute ce que le mot « dépression » implique (avec toute la ribambelle de clichés allant des antidépresseurs à la camisole de force), tantôt on est dans l’amalgame le plus complet (entre le coup de blues du dimanche soir, la peine de cœur, la mélancolie, la chute d’hormones… tout est prétexte à s’exagérer en dépression, minimisant ainsi la vraie maladie). Bref, du malade comme des proches, c’est une galère à identifier… ou pas.
La vérité, c’est que parfois on a juste peur d’employer les bons mots. Et de dire qu’on a échoué à les utiliser. Peut-être que si ma maman avait eu un diagnostic clair de dépression / peut-être que si elle avait eu accès à toutes les vidéos, les articles, les livres, les professionnels qui traitent du sujet, qui le vulgarisent, le déploient, le dépistent / peut-être que si elle avait la chance que j’ai, que nous avons tous aujourd’hui / peut-être que si le monde ouvrait les yeux sur cette maladie qui touche plus d’une personne sur 5, souvent non diagnostiqué / peut-être que.
Mais avec des si et des peut-être, on pourrait refaire le monde (et les albums de Justin Bieber pls). Ce que je veux aujourd’hui, c’est que tu affrontes ta vérité à ce sujet. Que tu regardes, par exemple, cette vidéo. Ou une autre, le choix est vaste. Et que tu comprennes que tu peux confiner ton âme, insidieusement, subrepticement (cadeau de 2 adverbes par article, on tient le pari), jusqu’à te faire grignoter ta vie.
Être dépressif et le dire n’est pas égoïste. Ce n’est pas chouiner pour attirer l’attention: on a le droit d’être malade et soigné. On a le droit d’être mal. De sentir que quelque chose cloche. De chercher de l’aide. De mettre longtemps à s’en remettre, ou au contraire de guérir facilement. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise raison d’être en dépression, tout comme il n’y a pas de bonne raison d’avoir la gastro (cite m’en une, wesh). Il n’y a pas de culpabilité à avoir de chercher à savoir ce que l’on a.
Mais mon point aujourd’hui est plutôt pour l’entourage. Si tu connais quelqu’un qui va mal régulièrement, souvent sans raison. Qui peut dormir jusqu’à 18h par jour. Qui peine à trouver de la saveur aux choses, sa place sur Terre, sa propre valeur. Qui se cache derrière une addiction (au jeu, au sexe, à une drogue, à une forme de fuite). Un, ou plusieurs ou tous ces symptômes. Si tu reconnais cette personne, de près ou de loin, pose la question: comment vas-tu? Non, non, pas « oui, ça va ». Pour de vrai. Aborde le sujet, avec ou sans bélier pour défoncer les barrières sociales. Parce que cela peut être un déclencheur. Parce que cela peut amener un dialogue. Parce que cela peut sauver une vie. Parce que tu ne pourras pas regretter d’avoir essayé. Ne te sens pas bête d’en parler. Ne te sens pas de trop. Il ne s’agit pas de toi. Ouvre une sortie à un confiné de l’âme. Entrouvre la porte pour lui, pour elle, car c’est parfois trop dur de le faire soi-même.
Pour mon anniversaire, ne reste pas confiné dans ton âme. Et ne laisse pas ceux que tu aimes l’être.

Joli texte pinette.
Contre la dépression, je prescris le dernier épisode de la S1 de Westworld, hein? Quoi ? J suis relou ? Ba ouais, mais je le vaux bien ;-p
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