La Gaspésie, belle Bretagne québécoise

Avec près de 5 ans cumulés au pays du fromage en grain, de la lingerie cheap et des moufettes domestiques, le virus de l’aventure commençait à me chatouiller à nouveau les narines (insérer ici une photo mentale de narines, celles de ton choix, pour pimenter la lecture de façon extravagante).

Etant en transition entre deux emplois et disposant d’un mois de grasses matinées / dépression en petite boule / remise en question existentielle sur l’utilisation du nom « chocolatine » au Québec / liberté physique et mentale, j’ai décidé de façon très réfléchie et mature d’explorer une région qui m’était encore inconnue: la Gaspésie. Nan, j’rigole, j’étais en PLS OMG KESKEJEFAIS EST-CE QUE JE MANGE MON CHAT ET MA MAISON OU ALORS JE PARS EN GASPESIE PARCE QU’AILLEURS C’EST TROP LOIN ET INTERDIT PIS JVAIS PETER UNE COCHE SINON AAAAAH. Bref, même résultat: la Gaspésie s’imposait comme la destination idéale pour jouer les aventurières solitaires en quête de bretonisme local (parce que finalement, on en revient toujours à chercher ailleurs ce qu’on peut trouver chez soi, hein Ulysse c’est à toi qu’on parle bro).

Mais contrairement à mes habitudes très professionnelles de faire un beau planning complet, design et optimisé, j’ai cette fois-ci opté pour la méthode YOLO: on verra bien, Jean-Louis. Je me suis tout de même dessinée une petite carte (parce qu’on parle tout de même d’une région où dire « oh mince j’ai oublié de m’arrêter pour voir ça » revient à dire « oh mince, j’ai vraiment hâte de refaire 3h de route aller et 3h de route retour parce que je suis une débilus maximus qui n’a rien prévu« . Voici donc toutes mes compétences de dessin, de proportion et de géographie réunies en une aberration graphique qui m’a cependant servi de carnet de route:

Réinterprétation libre de la Joconde. Merde.

Pis j’te mets une vraie carte du Québec pour que tu situes un peu mieux le périple. C’est l’étrange phallus géographique en bas à droite. De rien.

Check ben ça

Je me suis donc rendue en sautillant chez Globe Car pour louer le bolide qui sera à la fois, et pour les 16 jours à venir, mon chien de traîneau, ma maison, mon abri anti-nucléaire, ma cabane au Canada, que sais-je encore. Délestée de 3 zéros dans mon compte en banque, c’est avec la carte bleue légère que j’ai ensuite parcouru quelques blogs de hipsters en tous genres pour connaître les incontournables de la Gaspésie et les ajouter à mon chef d’œuvre. Au programme: le champs des possibles, sans rien réserver ni prévoir. Avant-goût de liberté, bonheur et désespoir. Et ça rime, bon dieu que j’suis toujours hot après tout ce temps.

BREF, 4 jours après, me voici en train de charger EL CABALLO AUTOMOBIL avec de quoi dormir dans la voiture et une belle valise que je n’utiliserai qu’à moitié (je n’ai jamais voyagé aussi chargée de toute ma vie, je me suis sentie vieille tout à coup!). Après quelques préliminaires voyageresques (laisse-moi inventer des mots stp, c’est mon premier article en 1 an et 3 mois alors TUCH) à Rawdon et Trois-Rivières, me voilà partie à toute berzingue (aka 100km/h) vers le bout du monde québécois.

Jour 1: l’aventure d’une bretonne commence toujours sous la pluie

Montréal-Kamouraska

Malgré mon cœur ensoleillé et le maillot de bain prêt à en découdre dans la valise, ce sont des trombes d’eau qui ont accueilli mon départ vroum-vroumique (oublie pas, on me laisse faire n’importe quoi avec les mots, ok?) pendant les 5h de route de Montréal à Kamouraska. Je me suis consolée en me disant que ça allait bien finir par s’arrêter et que de toute façon, jusqu’au Bas-Saint-Laurent (la région qui borde le bas du Saint-Laurent), y’avait pas grand chose à voir. Soit. Sauf qu’une fois arrivée à ma première étape hypothétique qu’était la jolie bourgade de Kamouraska – qui, en algonquin veut dire « jonc au bord de l’eau« – je voyais toujours pas à 2 mètres et j’en fus fort dépourvue quand la bise fut venue. Bon, coup dur. Je tente de vagabonder un peu au bout de l’eau, histoire de tâter le sable et le goëmon dont la présence me surprend tant, parce qu’on est quand même toujours au Québec ESTI, mais sans grand succès. La déception continue lorsque je constate qu’hormis des gîtes 4 étoiles, il n’y a ni AirBnB, ni auberge de jeunesse, ni motel abordable dans le coin. Je décide alors de faire demi-tour sur la route 132 (la Route des Navigateurs qui fait tout le tour de la Gaspésie) et de retourner à Rivière-Ouelle où l’auberge La Baleine Endiablée a des chambres disponibles à petit prix.

Une fois installée, mon enthousiasme s’annonce morose et le combo pluie-brouillard-vent continue de se déchaîner. Heureusement, ma soirée est sauvée par… des sapeurs pompiers! Hé oui, une petite brigade était hébergée dans l’auberge pour surveiller un feu sous contrôle (vu le déluge, pas étonnant) dans la région. Grâce à quelques coups de pouce, j’ai réussi à bouger mon popotin plein de flemme et de timidité pour aller faire connaissance! BEST DECISION EVER: en plus de rencontrer des personnes formidables, passionnantes et bienveillantes au possible (et de réaliser à quel point je ne connaissais pas le métier de pompier PANTOUTE), j’ai également récolté des trucs et astuces sur les choses à faire en Gaspésie. La roue des petits bonheurs imprévus était en marche et la première leçon était acquise: ne rate aucune opportunité de te lier.

Jour 2: l’aventure d’une bretonne… continue toujours sous la pluie?

Kamouraska-Rimouski

Au réveil, bonne surprise, je distingue du ciel! MUCH WOW! Je dis au revoir à mes pompiers et me mets en route une seconde fois vers Kamouraska, où je m’arrête à l’adorable Café du Clocher pour déguster un petit-déjeuner indécemment bon, servi par une équipe jeune et souriante. Pis l’endroit sent comme dans la cuisine de mes grands-parents en Bretagne, ce qui est nostalgique ET perturbant!

DU GRAS ET DU BON

Une matinée parfaite, en somme, si ce n’est les nuages et le brouillard qui recommencent à s’amonceler. Avec regret, je ne prends donc pas le temps de profiter de ce joli village pittoresque et me remets en route. J’ai le temps de m’arrêter prendre quelques photo du Petit Phare de Saint-André avant que la pluie ne revienne mettre son grain de sel dans mes projets. Car parmi mes non-plans pour ce voyage, il y a celui de prendre en photo un maximum de phares, en bonne bretonne que je suis! Je mets rapidement cette mission en pause, puisque la météo semble allégrement me chier dessus OOPS C’EST PAPOLI. Je me dirige ainsi vers Rivière-du-Loup en priant les 14 dieux les plus populaires sur TikTok dans l’espoir d’avoir une éclaircie. Mais… non. La pluie est cependant gérable (merci Décathlon) et je fais le tour du Parc des Chutes de Rivière-du-Loup (dont la ville n’a de joli que le nom, du peu que j’en ai vu), histoire de dire que j’ai fait quelque chose d’à peu près productif en 2 jours. Tsé.

Le déluge recommence pleinement et je ne peux rien faire d’autre que de continuer ma route dans l’espoir de semer le chaos météorologique vers Rimouski. Vu le brouillard, impossible de faire le fameux parc du Bic, qui est le premier parc national que je croise dans mon périple. Dépitée, j’arrive à Rimouski (qui ne me charme pas vraiment malgré son importance dans la région) et décide de trouver un endroit pour dormir dans ma voiture (hé oui, il fallait bien rajouter un peu de PEPS à ce début de voyage assez catastrophique). Pendant près de 2h j’arpente les alentours de Rimouski, de la banlieue à la campagne, en me rendant compte que c’est EXTRÊMEMENT compliqué de trouver un endroit parfait regroupant les critères suivants: à portée d’un point d’eau et/ou de toilettes, calme mais pas trop suspect, isolé mais pas trop risqué, etc. Je finis par trouver un stationnement au départ de la Route Verte, un sentier de marche/vélo en banlieue de Rimouski et qui semble correspondre à ce que je cherche (y’a même une toilette! LE LUXE). J’installe ma voiture pour la nuit tout en contemplant les joggeurs de fin de journée s’adonner à leur routine bien-être de bonne conscience. La pluie continue avidement et je passe une nuit TERRIBLE à avoir principalement peur de l’humain: savez-vous combien d’hommes étranges et creepy sont passés sur ce parking isolé jusqu’à 1h du matin? Trop à mon goût, et mon coeur vacillait à chaque lumière de phares au dessus de ma tête, recroquevillée dans mon coffre-lit. Mais bon, au moins j’ai vu des phares, MWAHAHA. ‘Scusez, trop d’adrénaline et de sucre. ON ENCHAÎNE, JEAN-LOUIS, ON ENCHAÎNE.

En direct du coffre-lit Deluxe 2021, mesdames et messieurs!

Jour 3: passe-moi ton Bic

Rimouski – Saint-Fabien

A l’issu d’une nuit longue et totalement confortable, je sors la tête de mon sac de couchage à 4h25 et découvre que:

  1. Le soleil, quand il se lève, ça déconne pas: c’est COMPLETEMENT et TRES TÔT
  2. Y’A DU CIEL BLEU TABARNAK OMG BBQ
  3. Il fait « fucking frette », en bon québécois

Je tente donc de me réchauffer jusqu’à 5h et essaie de me reposer un peu jusqu’à 6h. Je profite ensuite d’être complètement fraîche et vive comme la rosée du matin (une douche avec des lingettes pour bébé, on n’y a vu que du feu) pour aller parcourir la fameuse Route Verte et faire CHEH aux joggeurs qui pensaient arriver en premier. Direction ensuite le centre-ville de Rimouski pour me récompenser d’avoir survécu (+ vécu tout de même une expérience inoubliable et tissé un lien indéfectible avec ma voiture, première fois CHECK ✔) en allant prendre un bon petit-déjeuner Chez Oeufs, qui ouvre à 7h. Un repas à l’américaine, copieux et sale comme on en a besoin après une nuit presque blanche! MAIS, et c’est la grande nouvelle de la journée: il fait beau! Et puisque la météo annonce le retour de l’apocalypse dès le lendemain, je compte bien mettre à profit cette apparition du soleil: direction le Parc national du Bic pour observer enfin la nature du Bas-Saint-Laurent, les baies, les montagnes, la mer les phoques et tutti quanti. Le beau temps me régale dès le début, alors que je fais une pause à Pointe-au-Père pour photographier sous tous les angles le sous-marin Onondaga et le phare de Pointe-au-Père (qui, avec ses 33m, est le 2ème plus haut du Canada).

Direction le parc, auquel on peut accéder pour 9$. Puisque je ne sais pas combien de temps de vrai beau temps je dispose, je décide d’aller à l’essentiel pour mitrailler autant que possible: île aux Amours, Cap Caribou, Anse-aux-Bouleaux, Baie du Ha! Ha! (où je ne vois pas de phoque mais une jolie biche) et je termine pas l’ascension du Pic Champlain pour avoir une vue complète sur la côte (la montée pique un peu mais c’est BÔ). Au total, un beau 14km de chaleur humide où je suis obligée de faire des pauses pour dormir et récupérer un peu d’énergie! J’en profite également pour réserver mon AirBnB du soir: un charmant logement à Saint-Fabien, juste à côté du parc, dont la thématique est « décoration et ameublement vintage des années 50 ». WHY NOT, MOI JE VEUX JUSTE DORMIR.

Après avoir fait 75% du parc beaucoup plus vite que prévu, je me rends à mon logement où je rencontre une autre voyageuse en quête d’exil et de ressourcement en Gaspésie, tout comme moi. On échange ainsi d’autres petites astuces de voyage… et on se creuse la tête pour trouver comment fonctionnent les esti d’électroménagers des années 50!

Jour 4: à l’ombre des jeunes filles en fleurs

Saint-Fabien – Pointe-au-père – Grand-Métis – Amqui

Après une nuit réparatrice, je décide d’aller visiter les quelques points intéressants que j’avais repéré après Rimouski, puis d’aviser sur la suite de mon itinéraire en fonction de la météo chaotique annoncée pour les jours suivants. Je prends la route jusqu’à Grand-Métis pour visiter les très célèbres Jardins de Métis (Reford Gardens) qui sont un lieu historique privé regroupant plus de 3000 espèces de plantes (frais d’accès: 22$). Pour l’amatrice de verdure que je suis, c’était un petit paradis à photographier! La magie de payer pour entrer dans un jardin c’est que tu te sens privilégiée de croiser le moindre pissenlit ou moignon de fleur, au point de vouloir le photographier sous toutes les coutures. But worth.

Après m’être gorgée de couleurs et avoir réfréné l’envie de ramener 140 types de graines chez moi, j’ai du prendre une décision: WHAT’S NEXT, JEAN-LOUIS? La météo semblait indiquer que la pluie me rattraperait assurément dès le lendemain (et ce pendant 4 JOURS WTF RAIN CAN YOU CHOOSE ANOTHER WEEK?) si je continuais pas la route du Nord, tandis qu’en traversant radicalement vers la côte Sud, je pourrais gagner au moins 2 jours de soleil. BANCO, ON TRAVERSE. Et en plus, petit bonus: faire la route par le Sud permets d’avoir le littoral sur la droite, ce qui est à l’avantage du sens de conduite et donc très pratique pour s’arrêter prendre des photos facilement.

J’ai cependant décidé de prendre un AirBnB à Amqui (blague nulle incoming: y’avait pas Amqui vive. Voilà, c’est fait, on en parle plus, ok?) pour éviter de tout simplement m’endormir au volant, ce qui aurait été BIEN BALOT.

Yo les moufettes, checkez ma face de roadtrippeuse fatiguée

Jour 5: la mer, le gîte et le couvert

Amqui – Carleton-sur-mer

Je reprends ma route de bon matin en découvrant un autre type de paysage: l’intérieur du Bas-Saint-Laurent/Gaspésie, plein de montagnes, de forêts et de routes serpentesques. Un délice! Un peu avant d’arriver tout en bas, je décide de me faire un petit Yolo-Style en suivant un nom très farfelu sur une pancarte: L’ascension-de-Patapédia. Un symbole aguicheur de « belvédère » m’a donné envie de suivre la route pour avoir un point de vue imprévu… et c’est un détour de 3h qui m’a amené au camping du Soleil d’Or pour un point de vue, certes joli mais pas ouf, sur le Nouveau-Brunswick. Ca m’apprendra!

J’arrive finalement, sous un magnifique soleil, à Carleton-sur-Mer où je découvre un tout autre environnement: le littoral maritime, le vrai! Ayant étudié à la Carleton University d’Ottawa, c’est avec plaisir que je découvrais son presque-homonyme québécois. J’explore la petite ville touristique dont la côte, très bien mise en valeur par les quais, les plages et le phare de Carleton me font mitrailler tout l’après-midi! Je fais également un saut au mont Saint-Joseph, indiqué plusieurs fois dans la ville comme attrait touristique: avec ses 555 mètres de dénivelé, il permet gratuitement d’admirer toute la côte et la Baie des Chaleurs. Attention aux freins en redescendant!

Direction ensuite mon logement au Gîte à l’abri du Clocher, dans la banlieue étendue de Carleton, que je recommande chaudement pour le confort et la décoration des chambres, la gentillesse des hôtes et la qualité du petit-déjeuner maison.

Le soir, je ressors (WAW ON EST PRESQUE SUR LE PARTY DIS-MOI, JEUNE DELINQUANTE) pour aller à la microbrasserie Le Naufrageur, que l’on m’a citée plusieurs fois même pour les non-buveurs d’alcool dont je fais partie. Grave erreur, car si je conçois qu’à plusieurs, l’ambiance et l’animation peuvent valoir le coup, seule, cela n’a plus beaucoup d’intérêt: les boissons sans alcool sont extrêmement décevante (j’ai fini au San Pellegrino citron, pour vous dire…) et la nourriture, bien que bonne, est trop chère pour ce que c’est. Petite déception, que je décide de compenser en allant profiter d’un concert « amateur » donné par la ville près des quais, et en faisant quelques photos du coucher de soleil. Pas pire.

La nuit tombe sur le village. Le village s’endort.

Jour 6: le drame à retardement

Carleton-sur-mer – Bonaventure

Après m’être faite gaver de mets renversants par mon hôte pour le petit-déjeuner, je prépare mes affaires pour le départ et réalise avec effroi que ma carte de débit bancaire manque à l’appel. AH. Je refais tout mon parcours de la veille en donnant mon numéro de contact aux commerçant, mais sans succès: j’ai perdu ma carte pour la première fois de ma vie (CHECK ✔) et pas nécessairement au meilleur moment. Heureusement, au Canada, nous possédons 2 cartes bancaires: une de débit et une de crédit, que j’avais encore en ma possession. Nice, let’s go on with it. Je fais opposition sur ma carte de débit et je reprends ma route en me disant que je règlerai ça à mon retour, puisque de toute façon j’avais une autre carte pour mes dépenses. Le fait que ma location de voiture et toutes mes réservation de logement soient déjà passées sur ma carte de crédit (et ont donc déjà drastiquement diminué mon crédit disponible) m’effleure l’esprit, mais franchement, WHO CARES, C’EST LES VACANCES, VIVA LA VIDA AWEYE.

Avant de repartir sur la 132, je fais un crochet par le Parc national de Miguasha qui propose une belle exposition sur les fossiles des premiers vertébrés terrestres à l’ère du Dévonien (des pwassons avec des pattes, genre), dont la zone fossilifère regorge. Cela me permet en plus de temporiser la pluie qui occupe toute la matinée. Décidément, ce voyage m’aura appris que la météo dans cette région varie d’heure en heure et n’est absolument pas prévisible par les applications qui y sont dédiées. Je termine l’exposition par une marche sur le petit sentier qui ne présente pas beaucoup d’intérêt, hormis de montrer la plage sur lesquelles sont retrouvés plusieurs centaines de fossiles par an (pas pire)… et cette photo. J’ai juste baissé les yeux, et elle était là. Resplendissante. Putain c’que ça vaut le coup de regarder à terre par ennui parfois.

Direction ensuite Bonaventure pendant 1h30, au cœur de la Baie des Chaleurs, pour découvrir une autre petite ville maritime et sa fameuse rivière éponyme. J’y avais repéré une auberge de jeunesse où je pourrais faire mes armes dans le domaine, me permettant ainsi de vivre cette expérience pour la première fois (CHECK ✔) tout en continuant mon périple avec un plus petit budget de logement. J’y suis accueillie par Hugues, le gérant de l’auberge La chambre d’ami, qui me fait découvrir un petit univers atypique, artistique et communautaire à la fois déroutant et charmant. Je file ensuite réserver pour le lendemain une descente en kayak sur la rivière Bonaventure avec Cime Aventures et profiter du soleil qui semble me suivre: j’ai fait le bon choix en traversant la Gaspésie pour la faire dans ce sens!

D’abord hésitante quand à l’énergie qui se dégageait de l’auberge, j’ai rapidement été happée par la bienveillance et la vie qui se dégageaient de chacun des habitants et voyageurs. Le cliché de l’auberge de jeunesse comme point de rencontre ultime entre des vécus, des opinions, des personnalités, des des auras et des buts radicalement différents était là. Absolument vivifiant et régénérant. Je me couche avec le sourire et une belle hâte du lendemain. Le vrai voyage commence enfin. Gimme more.

Jour 7: coucher de soleil sur mon âme (cébô)

Bonaventure

Le lendemain matin, alors que j’étais en train de dessiner sur les murs (LA BASE DE TOUTE PLACE HIPPY, ALLO), Hugues me propose de rester une seconde nuit à l’auberge. WAW. Vous vous rappelez de la phrase sur les petits bonheurs imprévus du jour 1? On dirait que ça continue!

Je pars faire ma descente de kayak le long de la rivière Bonaventure pendant 2h (sortie « La Familiale »), sous un MAGNIFIQUE ciel bleu. Mes bras meurent pour la bonne cause (dois-je préciser que c’était ma première fois en kayak seule? CHECK ✔) et j’arrive en un seul morceau à l’arrivée (bien heureuse de l’expérience ET ravie de ne pas avoir overreact en prenant la balade de 5h!). Pour une novice comme moi qui voulait simplement profiter de la nature sous un autre angle que la marche, c’était l’idéal. La rivière est superbe, la tentation d’enquiquiner les pêcheurs de saumons est grande, l’odeur des vacances est partout.

Je continue la journée au phare de la Pointe Bonaventure, très mal mis en valeur malgré mes tentatives pour le rendre photogéniques et fais une halte au petit Café Acadien pour une douceur réconfortante. Le reste de la journée et de la soirée est occupé simplement par de belles rencontres et conversations en tous genres, de la plus drôle à la plus deep, avec les habitants de l’auberge. Sur fond de coucher de soleil (et de piqûres de moustique, parce qu’on ne défait pas une équipe qui gagne), mon petit cœur s’apaise enfin et je me reconnecte avec ce pour quoi je suis partie de Montréal. Refaire le monde avec des sensibilités à vif, ça m’avait manqué. C’est ça aussi, le voyage. (J’étais sur le point d’ajouter « c’est un voyage en soi-même », mais mon détecteur à hipster auto-psychologue-bullshit de pacotille s’est mis à sonner, alors débrouille toi avec cette parenthèse wesh).

Jour 8: coeur Percé

Bonaventure – Percé – Gaspé

La matinée est chargée en émotions et je dois dire au revoir à ce lieu qui m’a tant chamboulée en seulement 2 jours. J’hésite à y rester mais je sais que je dois continuer ma route vers d’autres aventures, car le temps file et je suis déjà à la moitié du voyage! Je reprends donc ma voiture pour 2h de route jusqu’au cultissime rocher Percé qui a fait une bonne partie de la renommée de la Gaspésie. Ma rencontre avec le rocher est mémorable: en arrivant par le Sud, la route montante ne laisse aucun indique pour savoir qu’à son sommet, on apercevra de pleine face le rocher sur toute sa longueur. BAM. TU VOULAIS VOIR MERE NATURE? TIENS, MANGE. Inoubliable à mes yeux.

La frénésie photographique s’empare de moi, semblable à celle que j’avais vécu face au lac Louise en Alberta: dès qu’un nouveau point de vue laisse apercevoir le rocher, je ne peux m’empêcher d’arrêter l’auto pour prendre une nouvelle photo, même si elle est identique à celle prise il y a 10 minutes. Ridiculement drôle.

Après m’être arrêtée au moins 4 fois pour prendre des photos que j’oublierai sûrement dans l’heure, j’arrive enfin à la ville de Percé, dont l’activité semble bien évidemment tourner autour du rocher et du flux touristique qu’il engendre. Je réserve pour le lendemain une balade en bateau (42$ aller-retour) autour du rocher Percé et à destination de l’île Bonaventure, réputée pour sa faune. Je m’arrête ensuite faire le plein de sable, de vagues et d’air marin à la jolie petite plage du Coin-du-Banc dont m’avait parlé mon cher pompier le premier jour: belle recommandation! Entre les marais, la mer, le rocher Percé au loin (si, si, regarde bien!) et la montagne, c’est à tomber par terre.

Direction ensuite Gaspé, véritable cœur de la pointe de la Gaspésie, où j’ai décidé de continuer mon aventure en auberge de jeunesse pour au moins 2 nuit. Après 1h30 de trajet jusqu’à l’Auberge Internationale Forillon, je découvre une toute autre catégorie d’auberge qui me semble bien morne par rapport à la joyeuse extravagance de celle de Bonaventure. Je tente l’expérience en dortoir, qui sera bien calme puisqu’il n’y a qu’une dizaine de voyageurs dans cette immense auberge en hors-saison! Je passe ainsi la soirée à faire la connaissance de joyeux lurons en tous genres.

Jour 9: une très, très Bonaventure!

Gaspé-Percé-Gaspé

Après une bonne nuit de repos, je me mets en route vers Percé et je constate que la vue d’arrivée sur le rocher est nettement moins impressionnante par le Nord! Malgré mon entrain pour cette journée riche en rebondissements qui s’annonce, la météo se remet à faire des siennes et une partie de la balade en bateau est annulée à cause du vent. Le trajet permet tout de même de faire de très belles photos du rocher, malgré les nuages, et nous sommes mêmes gâtés par la vue de nombreux rorquals et quelques phoques (sans parler des milliers d’oiseaux qui tournent autour du rocher). L’arrivée sur l’île Bonaventure se fait aussi dans une humeur morose puisqu’on nous annonce qu’à cause du mauvais temps, 2 sentiers sur 3 sont fermés. DAYUM MES 42$. Le seul sentier ouvert est le plus court menant aux Colonies. Point d’esclaves en ces contrées, messire, simplement des FUCKING MILLIERS DE FOUS DE BASSAN. Si tu ne sais pas ce que sont des fous de Bassan, honte à toi premièrement, et ensuite tu peux simplement imaginer des grosses grosses mouettes albinos qui, quand on les regarde bien, ont des comportements de défense de territoire qui ressemblent à des mouvements que feraient des aliénés en camisole de force. Ca, c’est simplement mon observation, c’est cadeau. MAIS BREF, il faut savoir que l’île Bonaventure est l’un des rares sites de nidification au monde où l’on peut observer les fous de Bassan d’aussi près (et on parle de 100 000 zoizos hein, pas de 2-3 poules dans un enclos). C’est donc absolument FIFOU, surtout si tu écoutes un peu la biologiste t’en dire un peu plus sur le Schmilblick. Par contre, force est de constater que toute cette zone (qui s’étend encore et encore tant il y a d’oiseaux) pue et fait un boucan d’enfer. Just saying, c’est le bon endroit pour sniffer à fond et vérifier que t’as pas la COVID.

Après avoir fait le tour de la zone, acheté un saucisson dégueulasse beaucoup trop cher, fait des milliards de photos d’oisillons tout mignons et respiré l’air embaumé par la brise d’anus locale, j’ai découvert que le sentier du Roy, qui était celui de mes rêves les plus fous (fermés pour cause de météo of doom, rappelle-toi), était ouvert! Ni une ni deux, je fonce afin d’éviter que quelqu’un ne le referme subrepticement devant moi (un article de moi ne serait pas un véritable article s’il n’y avait pas cet adverbe incroyable, ndlr). Et je n’ai pas été la seule à avoir repéré l’ouverture divine occasionnée par un rayon de soleil, puisqu’un autre baroudeur solo était sur mes pas. C’est l’observation d’un adorable phoque qui chillait dans un courant marin qui nous a fait entamer la discussion. Et c’est ainsi que je me suis trouvée un compagnon de route et d’aventures pour les prochaines 24h! Après avoir exploré l’île, observé ses phoques, ses baleines et ses oiseaux, nous avons décidé d’aller jeter un œil à la mystérieuse rivière Emeraude, une fois de retour à Percé. Malheureusement c’était fermé, alors nous avons tout simplement continué la soirée à la microbrasserie la plus réputée de Percé: le pub Pit Caribou, dont l’offre pour les non-buveurs d’alcool est aussi attristante que celle du Naufrageur de Carleton. C’en est définitivement fini des microbrasseries pour moi!

Je passe néanmoins une soirée merveilleuse à parler voyage en van aménagé, spots pour dormir dans sa voiture (wink wink), roadtrip au Canada de fond en comble, et à en apprendre plus sur mon compère d’aventure d’origine française qui, puisque le monde est minuscule, s’avère très bien connaître la ville où j’ai grandi! MUCH WOW AGAIN! Sur fond de match des Canadiens, où je redécouvre l’effervescence patriotique des québécois dans l’univers sportif ET la vie post-COVID, je profite une fois de plus d’un moment bien imprévu et absolument réjouissant, si bien que je m’emballe et me remet en route assez tard pour rentrer à l’auberge de Gaspé, qui est tout de même à 1h30 de route! Mais bonne nouvelle, aucun chevreuil ne s’est jeté sous mes roues fatiguées cette nuit-là et je suis arrivée à bon port au dortoir.

Plan du parc de l’île Bonaventure

Jour 10: baignades, moustiques et patte d’ours

GASPé-percé-gaspé

Saisissant une fois de plus toutes les opportunités inattendues qui se présentaient à moi pour VIVRE A FOND (prière d’imprimer un t-shirt avec cette punchline et le logo des Pierres qui roulent juste en dessous, pour symboliser l’esprit libre et fougueux de la jeunesse), nous nous étions donnés rendez-vous avec mon baroudeur à la Rivière Emeraude, dont la visite avait été un échec la veille. Rebelotte, 1h30 jusqu’à Percé (le choix de mon auberge n’était, après coup, pas optimal du tout!) où je le retrouve pour nous lancer sur le sentier de la rivière. Après quelques petits kilomètres, nous trouvons par hasard un morceau de la rivière qui semble nous appeler littéralement à la baignade: belle couleur crystalline et plage de galets, spot un peu en retrait et baignant de soleil, bref, parfait. HOP HOP HOP, on devance notre programme initial de baignade pour aller nous geler joyeusement les miches dans la rivière! Improbable et formidable. Après le barbotage, nous reprenons notre route un peu au hasard avant de nous rendre compte que le sentier emprunté n’est pas du tout une boucle mais un parcours de 30km particulièrement par indiqué. Bon. L’avantage de s’égarer à 2, c’est que l’aventure n’en est que plus palpitante! Tout en nous faisant allègrement dévorer par la gente moustiquienne, nous tentons divers chemins de traverse, guidés par Maps Me, pour rejoindre notre point de départ. Ma grande expertise de trappeuse m’a même fait remarquer une superbe empreinte d’ours dans la boue, et ça, c’est hot.

Finalement, après un détour de 8000h (minimum) éreintantes et suffocantes, nous retrouvons le parc initial. S’ensuit un petit casse-croûte improvisé grâce à la cuisine portative de monsieur, et une bonne baignade sous la cascade du parc! Je cherche encore la couleur « émeraude » qui était publicisée, et je fais un big up au responsable marketing des brochures.

Après une crème glacée d’adieu, mon baroudeur a repris sa route et moi la mienne vers l’auberge, afin de passer la fête du Canada avec les voyageurs pour une 3ème nuit à Gaspé!

Jour 11: le drame me rattrape, mais les baleines aussi!

GASPé – Forillon – Ste-Anne-des-monts – rimouski

Le lendemain matin, je suis réveillée par un courriel très délicat et bienveillant de ma banque m’indiquant qu’il ne me reste que 61$ disponibles sur ma carte de crédit. AH. D’ACCORD. OK. BEN C’EST COOL DE M’ENVOYER UNE ALERTE A CE MOMENT LA BRO. C’est comme si ton détecteur de fumée se mettait à sonner quand la moitié de ta maison a cramé mais qu’il te reste 10 minutes pour sortir. MERCI HEIN. Bref. Je vous passe les détails, mais après diverses tentatives pour trouver des solutions entre mes deux banques ET une accumulation de « pas de chance » logistiques, je commence à sentir que SAPUDUKU.

Je décide quand même d’aller explorer dès l’ouverture le Parc national Forillon, où j’ai l’impression d’être la plus chanceuse des randonneuses: c’est un défilé de baleines qui accompagnent ma marche, des chants d’oiseaux farfelus qui enchantent l’atmosphère et même, au coin d’un sentier, le rugissement d’un ours. Wait, un second rugissement. Ce frisson incroyable lorsque ton cerveau associe ce bruit à celui qu’il n’a entendu que dans des documentaires. TILT. Holy crap. Mes pas suivants étaient teintés à la fois de la soif curieuse de voir la bête, mais aussi du besoin urgent d’avancer en tapant dans mes mains pour la prévenir de ma venue et lui laisser l’opportunité de partir sans agressivité. Tout ça pour dire: le sentier du bout du monde était placé sous le signe de l’émerveillement par la faune et la flore à chaque instant. Où que l’on regarde, il y a de belles choses à voir et observer! L’arrivée au « bout du monde » au Cap-Gaspé est sensationnel, bien que touristique, mais à faire absolument. J’ai rempli ma mission: faire le bout du monde gaspésien après avoir connu le bout du monde (penn ar bed) breton. Harmonie.

Une fois de retour à ma voiture de compétition, je mets le cap sur le sentier qui mène au mont Alban, au départ du Cap-Bon-Ami. Une belle randonnée ascendante, mais un point de vue qui en vaut définitivement la peine! Une fois redescendue, direction le Cap-des-Rosiers et son phare (qui est une arnaque sur pattes), pour ensuite me mettre en route pour la dernière étape: Ste-Anne-des-Monts et le parc national de Gaspésie!

Néanmoins, j’avais, avant de partir, vérifié si l’état de mon compte avait changé (un virement ayant été fait pour faire baisser le solde de ma carte de crédit, sans succès jusque là) et… non. SAPUDUKUENKOR. On reste sur les 61$… moins les 9$ du parc. Hm.

Plan du parc Forillon

3h de route plus tard, après avoir longuement profité de cette portion de la 132 pleine de falaises et de la mer sur ma droite et des montagnes sur ma gauche (bonheur, bonsoir, avec le coucher de soleil c’était wouhlala), j’arrive enfin à Ste-Anne-des-Monts, à la très très célèbre Auberge Festive Sea Shack! L’ambiance résolument « festive » est rapidement contagieuse, et je m’immerge tout de suite dans ce petit monde qui me fait penser à un Burning Man façon québécoise. Un groupe folk est sur scène, les cocktails sont sur les tables, les peintures colorées inondent tous les bâtiments, et la pandémie est loin, très, très loin. Contrairement à toutes les auberges que j’ai repérées et qui avaient énormément de places de libres, ce n’est pas le cas de celle-ci, qui est pleine à craquer! La possibilité de dormir dans ma voiture, à portée des douches, des toilettes et du wifi est très tentante, mais la réalité me rattrape vite: il me reste juste assez d’essence pour rentrer à Montréal, en comptant les dollars qui semblent rester sur ma carte de crédit. Car oui, le virement bancaire n’est toujours pas passé et pourrait mettre des jours à être pris en compte. Pas question de continuer à YOLOer au risque de rester au beau milieu de la Gaspésie sans pouvoir faire le plein. Tant pis pour la hippy life de l’auberge et, surtout, l’immense parc national de Gaspésie qui annonçait des ours, des caribous et autres merveilles québécoises. Donc: je ressaute dans ma voiture et décide de rentrer à Montréal.

3h plus tard (oui, grosse journée), j’arrive enfin à Rimouski, où j’ai en note une adresse donnée par mon baroudeur français complètement au hasard d’une conversation, et où je sais que je peux dormir dans ma voiture sereinement et prendre une douche dans une caravane inoccupée. Me voilà donc au milieu de la campagne rimouskoise, devant un gîte vide (les occupants étant partis pour le long weekend férié) et tentant d’ouvrir, dans la pénombre la plus totale, une caravane dans un jardin. WTF LA VIE. Après une bonne douche (17 secondes d’eau chaude c’est pas mal, surtout quand tu as été assez intelligente pour décider de te laver les cheveux TSAIS), je passe une nuit improbable chez un inconnu que je ne connais pas et qui ne me connaît pas. Gratitude, imprévu merveilleux, anecdotes en bataille.

Jour 12: retour express, pas l’temps de niaiser

RIMOUSKI – MONTRéAL

Habituée désormais à passer des nuits étranges près de Rimouski, je repars aux premières lueurs du soleil pour grignoter au centre-ville et faire un ultime plein d’essence qui devra me tenir jusqu’à Montréal. Pari gagné, puisqu’il me restait encore de quoi faire 170km en arrivant, le luxe, vous dis-je!

Je mets près de 8h au lieu des 6h habituelles pour faire des micro-siestes et enchaîner les kilomètres sereinement. Forcément, le virement bancaire est arrivé le lendemain et j’ai refait faire ma carte de débit en 30 minutes, mais je ne regrette pas ce retour anticipé qui m’a évité l’angoisse sur place! Je sais également ce qu’il me reste à découvrir et ce que j’aurai à revoir la prochaine, car c’est non-négociable: il y aura une prochaine fois! Moi qui croyait avoir fait le tour de ce que l’on pouvait visiter au Québec, j’ai pris une belle leçon d’humilité, et j’ai encore quelques années à faire avant de ne plus m’émerveiller!

MUCH WOW, EN SOMME

J’ai la tête pleine de souvenirs des paysages merveilleux,

Le coeur débordant de gratitude pour les belles rencontres faites,

Et l’esprit apaisé sur ce que je cherchais en moi, là-bas.

A vous les studios! pis si tu as lu jusqu’ici, bravo, j’pense que t’es dans un état d’ennui proche de ce que doit ressentir un daltonien dans une exposition d’art monochrome OU que tu m’aimes beaucoup, au choix, fait que merci ❤

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Avatar de wrenic wrenic dit :

    Encore et toujours des superbes photos. Des commentaires raccord. Bravo. A quand le prochain CR ? NB : Pour dormir la nuit dans sa voiture, faut que je te brieffe un peu plus

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